Que vous souhaitiez publier sans signer de contrat avec une maison d’édition, que vous ayez recouvré vos droits sur des ouvrages antérieurement publiés par une maison d’édition, et désiriez désormais les exploiter vous-même (sous une nouvelle maquette), que vous ayez conservé pour les exploiter vos droits numériques sur un ouvrage publié par ailleurs dans le cadre d’un contrat avec une maison d’édition, vous êtes ce qu’il convient de dénommer un auto-éditeur.
Quel statut adopter pour exercer cette activité ? Quelles questions se poser ?
Nous continuons cette réflexion, menée avec Éric Hainaut, expert-comptable, par cet entretien avec Philippe Saimbert, romancier et scénariste BD :
Bulletin des Auteurs – En tant qu’auteur indépendant, c’est-à-dire auto-édité, quel statut choisir ?
Philippe Saimbert – Je tiens au préalable à préciser que le sujet est complexe, que je ne suis ni juriste ni fiscaliste, et que je n’ai aucune prétention à détenir la vérité.
Les réponses apportées par l’administration sont souvent contradictoires : il faut dire à sa décharge que les textes sont très confus.
Certains « indés » créent une association, qui leur verse des droits d’auteur.
D’autres préfèrent le statut de micro-entrepreneur (ex auto-entrepreneur).
Concernant le micro-entrepreneur, deux codes APE (Activité Principale Exercée) sont éligibles au sein de l’édition indépendante : APE 5811Z (édition de livres, activité commerciale, déclaration des revenus en Bénéfices Industriels et Commerciaux – BIC) et APE 9003B (auteur, activité libérale, déclaration des revenus en Bénéfices Non Commerciaux – BNC).
Entre ces deux activités, les plafonds de revenus diffèrent ainsi que le montant des cotisations.
Le code APE vous est attribué par l’Insee (Institut National de la Statistique et des Études Économiques) mais je crois avoir lu qu’on peut demander à l’Insee un changement de code APE.
Il est à noter que l’auteur édité à compte d’éditeur peut déclarer ses droits d’auteur en « revenus et salaires ».
B. A. – Par quoi les revenus de l’auteur auto-édité sont-ils générés ?
Ph. S. – Dans la plupart des cas, par la vente de livres numériques via les principales plateformes de vente (Amazon, Kobo, Fnac, Apple, Google, etc.). Ainsi que par la vente de livres papier en POD (Print On demand) via CreateSpace, Amazon KDP (Kindle Direct Publishing), Bookelis, Iggybook, etc.
Les auteurs ne signent aucun contrat avec les plateformes. Ils sont libres de les quitter quand bon leur semble. Certains distributeurs demandent toutefois un engagement d’un an, surtout s’agissant de la POD.
B. A. – Avez-vous un numéro Siret ?
Ph. S. – Les auteurs qui s’inscrivent comme micro-entrepreneur ont un numéro Siret. Mais aucune plateforme ne demande de numéro Siret pour distribuer les projets. Par contre, les plateformes demandent souvent un numéro fiscal français ou bien un numéro ITIN (Individual Taxpayer Identification Number) pour ne pas que les pays étrangers (USA en particulier) prélèvent un impôt sur les ventes faites à l’étranger. L’impôt devant être payé dans le pays d’origine des auteurs.
B. A.– L’auteur auto-édité est-il redevable de la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) ?
Ph. S. – À ma connaissance, qu’il soit en BIC ou BNC, l’auteur doit payer la CFE. Le montant de celle-ci dépend de la commune de résidence.
B. A. – L’auteur auto-édité peut-il choisir de ne pas s’inscrire comme micro-entrepreneur et déclarer ses revenus en BNC ?
Ph. S. – J’ai découvert il y a peu cette possibilité. L’article 80 du Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) reconnaît l’existence de l’« auteur-éditeur » : « Lorsque l’auteur assure l’édition et la vente de ses œuvres, il est imposable dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux pour l’ensemble des profits qu’il réalise. »
Mais quid des cotisations sociales ?
Les indés ne peuvent cotiser au sein de l’Agessa car leurs revenus ne sont pas considérés comme des droits d’auteurs vu qu’il faut un contrat avec un éditeur.
B. A. – Qu’attendriez-vous de la réforme du régime de sécurité sociale des artistes auteurs ?
Ph. S. – Alors que la disparition du RSI (Régime Social des Indépendants) est programmée, une clarification et une simplification du statut des indés nous semblent opportunes, voire nécessaires.
Les indépendants veulent être considérés comme des auteurs à part entière et non comme des personnes exerçant une activité commerciale ou libérale. Je rappelle que les indés qui ne vendent que sur les plateformes n’encaissent jamais la totalité de la vente. Ils ne font que recevoir des royalties, qui sont considérées comme notre chiffre d’affaire vu que les plateformes ne nous reversent que le pourcentage dévolu à l’auteur.
Pour résumer, voici trois sujets qui mériteraient des réponses précises et définitives.
- L’auteur indépendant est-il obligé de créer une structure (association loi 1901, micro-entreprise, EURL, Sasu), pour déclarer ses revenus et payer ses cotisations sociales?
- À l’ère du « choc de simplification », l’auteur indépendant voudrait que son statut soit clarifié. Le statut d’auteur-éditeur précédemment cité pourrait être une réponse claire et définitive. Le Snac pourrait à ce sujet entamer un dialogue avec l’administration.
- L’auteur indépendant qui débute aimerait pouvoir déclarer ses revenus de façon simple et transparente sans avoir à créer de structure.
Une règle en or : tout auteur doit se rapprocher du centre des impôts pour avoir une réponse officielle.
Il est à noter que l’action des syndicats et aussi le succès de nombreux indés en numérique ont fait bouger les lignes au niveau des contrats avec les maisons d’édition. Plusieurs auteurs ont ainsi pu négocier la cession de leurs droits numériques et le pourcentage de ces derniers. Ainsi que la durée de cession des droits patrimoniaux. Autant d’avancées qui vont dans le sens de relations plus équilibrées.
Cet entretien a paru dans le numéro 131 (novembre 2017) du Bulletin des Auteurs.
Crédit de la photo de Philippe Saimbert : Philippe Saimbert.