Bulletin des Auteurs – Comment est né le « Manifeste de l’Éco-scénographie » ?

Camille Dugas – À l’ère de la transformation écologique, il est important que les protagonistes qui sont à l’origine d’une scénographie agissent dans une direction commune d’éco-conception. Ce manifeste invite donc ces acteurs à des actions concrètes qui, à chaque étape, orientent les choix vers une “éco-scénographie”.

Ce manifeste a pour vocation de promouvoir le réemploi et faciliter la réutilisation d’une scénographie, en anticipant, dès le départ du processus créatif, les problématiques souvent liées au réemploi : démontage, réutilisation de la matière première, réutilisation d’éléments standardisés… Ces nouvelles compétences acquises par les créateurs doivent être rémunérées, grâce aux économies réalisées sur les achats de matières premières.

Ce changement vers une éco-scénographie ne peut se faire qu’en respectant pleinement la qualité d’auteur des créateurs : scénographes, créateurs costume… En effet, nous constatons encore trop souvent que des éléments d’œuvres originales sont réutilisés sans même que l’auteur en soit informé. Ces dérives concernent aussi bien le domaine de l’exposition que le domaine du spectacle vivant.

Or, il est important de rappeler que la violation des droits d’auteurs est constitutive du délit de contrefaçon (CPI, art. L. 335-3). Le code de la propriété intellectuelle entend par contrefaçon tous les actes d’utilisation non autorisée de l’œuvre. L’encadrement lié au réemploi, dans les règles de l’art et au bénéfice de toutes les parties, est donc plus que nécessaire.

C’est pourquoi le Manifeste d’Éco-scénographie présente des clauses types relatives aux conditions de réemploi, avec ou sans adaptation, et la rémunération, sous forme de droits d’auteur, qui peut en découler*. Nous souhaitons que ces clauses soient prévues dès le départ dans les contrats de cession de droits d’auteur des créateurs. Ce document contractuel qui encadre la diffusion d’une œuvre (conditions d’exploitation : durée ; conditions financières liées à la diffusion, à la captation, aux transmissions télévisuelles) doit aujourd’hui permettre d’anticiper sa réutilisation.

L’absence de contrat de cession de droits d’auteur, le plus souvent par manque de connaissance, est encore aujourd’hui à déplorer. Or ces contrats de cession de droits d’auteur ont pour double vocation de protéger l’auteur et le diffuseur. L’argument financier est souvent avancé, alors même que la rémunération est basée sur un pourcentage de la recette (1 % est préconisé pour le scénographe et 0,5 % pour le créateur costume dans le spectacle vivant) et qu’il est tout à fait possible de signer des contrats de cession de droits à titre gracieux, si cela se justifiait.

Par ce Manifeste, nous souhaitons donc promouvoir l’éco-scénographie et obtenir que les clauses qu’il propose, sur le chapitre de la déontologie, du réemploi d’éléments originaux, de la rémunération en cas de réemploi, du respect du droit moral, etc., soient incluses dès aujourd’hui dans chaque contrat de cession de droits d’auteur.

B. A. – À qui s’adresse le Manifeste ?

C. D. – À tous les acteurs qui interviennent à tous les moments de la vie d’une scénographie (décor ou costumes), qu’il s’agisse de la production, la conception, la construction, le démantèlement, la réutilisation : producteurs, scénographes d’exposition, de théâtre et d’opéra, créateurs de costumes, ateliers de construction des décors, directeurs techniques, etc.

Il est important pour nous d’associer à ce projet les principaux représentants des producteurs, diffuseurs, directeurs techniques, concepteurs d’exposition comme Profedim, Syndeac, Reditec, xpo, et que ce texte fasse l’unanimité afin d’être pleinement diffusé et adopté. Notre Manifeste aura ainsi une audience et une application plus larges qu’auprès des seuls auteurs.

La conception d’une éco-scénographie ne peut être que le fruit d’un effort commun.

* Les éléments techniques et les éléments manufacturés, qui ne sont pas liés à la création originale et à la propriété intellectuelle, sont exclus du domaine des droits d’auteur.

Crédit de la photo : Doriane Fréreau.

Cet entretien est paru dans le Bulletin des Auteurs n° 152 (Janvier 2023).

 

Attachments
  • camille-dugas-credit-doriane-frereau

Related Post