Bulletin des Auteurs – Qu’est-ce que la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap ?

Nathalie Nie – La Commission, qui est une émanation du ministère de la Culture, a la charge de valider l’inscription de structures sur la liste des organismes bénéficiant de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes handicapées. L’agrément de ces organismes permet d’adapter librement ou de communiquer, sans autorisation des ayants droit ni contrepartie financière, des œuvres dans des formats accessibles pour les personnes empêchées de lire du fait d’un handicap.

 

B. A. – Comment se déroule cette Commission ?

N. N. – Avant d’aborder le travail de la Commission, je souhaite préciser que son origine remonte à2001, lorsqu’une « Commission nationale Culture-Handicap » avait été créée pour faciliter l’accès des personnes handicapées aux loisirs et à la culture. Au fil des années, la Commission a évolué du développement du sous-titrage et des dispositifs d’audiodescription vers l’organisation de rencontres « Art, Culture- Handicap ». Puis en 2016, trois grands chantiers ont été mis en place dans la lutte contre l’exclusion : priorité à l’accessibilité à l’audiovisuel public, aux nouvelles mesures en faveur de l’édition adaptée et du numérique et formation des professionnels de la culture.

C’est en 2022 que la Commission nationale Culture-handicap devient la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap.

 

B. A. – Quel est le rôle de la Commission ?

N. N. – Son but était de rattraper le retard de la France. En effet, la création de la Commission suivait un constat que seulement 10 % des livres étaient en format adapté pour les handicapés. La Commission a d’abord mis en place des groupes d’étude et de travail auxquels participaient (entre autres) la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), le Comité interministériel du handicap[1](CIH), etc.

 

B. A. – Qui participe à cette Commission ?

N. N. – les ministères de la Culture,de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Le comité interministériel du Handicap (CIH) participe de manière ponctuelle.

Les institutions comme la Bibliothèque nationale de France(BnF)[2], la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Les représentants des publics en situation de handicap : divers établissements publics (universités, instituts de personnes mal voyantes ou mal entendantes), associations de personnes en situation de handicap (dys) et leurs familles, les fondations reconnues d’utilité publique. Ainsi que des organisations représentatives d’auteurs et d’éditeurs dans le secteur du livre, dont le Snac.

 

B. A. – Quelles actions ont été mises en place ?

N. N. – Les éditeurs doivent fournir à la BnF une version numérique de leurs publications (jeunesse, scolaire, universitaire, littérature ou essais). Un même document peut donner lieu à plusieurs adaptations (braille, gros caractères, langue des signes, audio). La plateforme « Platon » mise en place par la BnF, étudie les demandes d’agrément des associations représentantes des personnes en situation de handicap et leur accorde, sous conditions[3], l’agrément de télécharger les ouvrages souhaités pour leurs adhérents en situation de handicap et dans la limite du cercle familial.

Dans le cadre de l’application de la nouvelle loi LCAP, les organismes demandeurs remplissent un dossier d’inscription sous forme de questionnaire qui renseigne la BnF sur leur capacité à sécuriser le stockage des fichiers adaptés numériques et à les transmettre. Les dossiers d’agrément des organismes renseignent la BnF sur leur capacité à sécuriser le processus de récupération et de traitement des fichiers source, téléchargés sur la plateforme de la BnF.

 

B. A. – Et les syndicats ?

N. N. – J’ai noté la présence duSyndicat national de l’édition (SNE) et du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM).

La Société des gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat des auteurs et compositeurs (Snac) ont participé à la Commission dès sa création en 2022, avec une tenue chaque trimestre. La dernière commission s’est tenue le 6 février 2024.

 

B. A. –Comment les syndicats peuvent-ils vérifier la sécurisation de fichiers ?

N. N. – Dès l’instant où la BnF juge que les organismes à but non lucratif remplissent les conditions de récupération et de sécurisation des fichiers, ces éléments servent d’appui à la Commission dans le rendu de son avis sur l’inscription et l’agrément. Même si la Commission en charge de l’exception au droit d’auteur en faveur des personnes en situation de handicap n’est plus appelée à se réunir en 2024, le processus, maintenant bien rôdé, est maintenu.

 

N. N. – Conclusions

Les décisions de la Commission en charge de l’exception handicap se référant au code de la propriété intellectuelle, sont annoncées par arrêté ministériel du ministère de la Culture. Ces arrêtés communiquent la liste des organismes des personnes morales et des établissements qui peuvent assurer la reproduction et la représentation d’une œuvre dans les conditions prévues à l’alinéa 1 de l’article L. 122-5-1 du code de la propriété intellectuelle.

Une autre liste mentionne les demandes de mise à disposition des fichiers numériques déposés par les éditeurs en application de l’alinéa 2 de l’article L. 122-5-1 du même code.

Les arrêtés sont publiés ensuite au « Journal officiel » de la République française.

 

[1]Comité Interministériel du Handicap (CIH), prévu par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a été créé par décret du 6 novembre 2009. Il a la charge de « définir, coordonner et évaluer les politiques conduites par l’État en direction des personnes handicapées ». Sous la présidence du Premier ministre, le CIH réunit annuellement l’ensemble des membres du gouvernement.

[2]La BnF a reçu en 2009 la mission d’être l’organisme dépositaire des fichiers numériques des éditeurs ayant fait l’objet d’une demande par un organisme agréé. Pour répondre à cette mission, elle a mis en service en 2010 la plateforme sécurisée de transfert des ouvrages numériques (Platon), dont l’accès se fait sur authentification (la plateforme Platon est créée pour tous les livres pas seulement les livres pour les personnes handicapées). Les organismes habilités déposent sur Platon les adaptations réalisées, qui les met ainsi à disposition des organismes, dans un but de mutualisation. Platon centralise les demandes, permet les transferts de fichiers de manière sécurisée, conserve les documents déposés et les met à disposition des organismes agréés sans limitation de date.

[3]Conditions d’habilitation au téléchargement d’œuvres adaptées : Être un établissement ou une institution d’État. Les associations reconnues d’utilité publique doivent justifier de leur statut à but non lucratif et de leur situation financière, disposer d’un site internet protégé, afin que l’accès libre aux œuvres adaptées soit contrôlé.

 

Cet entretien est paru dans le « Bulletin des Auteurs » n° 157, en avril 2024.

Portrait photographique de Nathalie Nie. Crédit : Nathalie Nie.

 

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