Le Snac vient de quitter ses locaux historiques de la rue Taitbout, sis dans le square d’Orléans, pour emménager au 19 de la rue du Jour, dans le premier arrondissement.
Nous avons demandé à Sylvie Saracino, secrétaire du Snac, d’évoquer ses souvenirs de la rue Taitbout.
Bulletin des Auteurs– Quelle était l’ambiance du Snac quand vous y êtes arrivée ?
Sylvie Saracino– C’était très différent d’aujourd’hui (en janvier 2005), dans le sens où nous étions plusieurs : Emmanuel de Rengervé notre délégué général, une personne aux dépôts (Nicolas, puis ensuite Thomas), il y avait aussi Ariane d’Amat et moi-même. La présence de collègues était propice aux échanges. La masse de travail était aussi moins importante. Nous n’étions pas submergés de courriels, le numérique était à ses débuts. Nos tâches étaient plutôt mécaniques. Vanessa Bertran était en charge du « Bulletin des Auteurs », que nous envoyions par la Poste à nos membres et aux institutions, sous forme papier, qu’Ariane glissait dans des enveloppes. Comme je connaissais la « sténo », Emmanuel m’a demandé d’assister aux réunions du conseil, afin que je puisse tout prendre en notes. Les conseils réunissaient beaucoup de monde, les gens venaient sur place puisque la visio n’existait pas. La salle de réunion était beaucoup plus remplie qu’aujourd’hui. Certains venaient de province. Il me semble que les personnes étaient plus libres de leur temps qu’aujourd’hui, où chacun est pris dans des engrenages de réunions, dans de multiples secteurs et organisations professionnelles. Je me souviens de Jean-Marie Moreau, Dominique Pankratoff, Youri, Claude Lemesle, entre autres, qui étaient très présents. Lors de mon entretien d’embauche, j’ai été reçue par Maurice Cury, président du Snac, Emmanuel, Claude Lemesle, Jacques Vigoureux…
On m’a demandé quels étaient mes loisirs. J’ai répondu que la lecture et la chanson (surtout la chanson française) comptaient beaucoup pour moi. J’ai d’ailleurs encore aujourd’hui toujours un livre avec moi…Je me souviens leur avoir dit que j’aimais bien qu’une chanson fasse écho à une histoire qui me touche. Il y a des chansons qui m’ont aidé à avancer, à aller mieux quand j’avais des soucis. Je me souviens que Claude Lemesle avait souri à cette évocation.
B. A. – Votre travail au Snac a-t-il coïncidé avec ce que vous imaginiez ?
Sy. S. – Oui, et même si aujourd’hui nous vivons dans un monde où tout va vite, où l’on court après tout, je trouve qu’au Snac il y a encore ce côté familial, où l’on fait attention aux personnes, on les écoute, c’est important parce que cela se perd. J’ai noué des liens avec beaucoup de personnes au Snac, certaines ou certains viennent toujours, d’autres moins. J’ai rencontré des gens très gentils. Certaines personnes qui déposent une œuvre sont également attachantes, elles nous offrent parfois un exemplaire de leur livre ou de leur CD une fois qu’elles ont trouvé un éditeur. D’ailleurs, l’un des déposants m’envoie toujours un exemplaire dédicacé de chacun de ses ouvrages publiés.
Toutes ces personnes nous donnent le sentiment que nous sommes utiles. Elles sont contentes de nous voir, elles ont besoin de vrais contacts, ce que nous offrons encore au Snac.
Dans les réunions du conseil ou du bureau, tout le monde peut s’exprimer et être écouté, il est facile et simple de prendre librement la parole.
La personnalité d’Emmanuel de Rengervé, un « super humain », m’a marquée. Il nous arrive encore de déjeuner ensemble même s’il est parti profiter de sa retraite. Je reverrai aussi avec un grand plaisir Ariane, qui vient de partir à la retraite. Au pot de départ d’Emmanuel, j’ai revu des gens que je ne voyais plus beaucoup, dans le doublage par exemple, qui ne sont plus au conseil, cela m’a fait plaisir.
B. A. – Le lieu de la rue Taitbout était particulier.
Sy. S. – Une secrétaire qui avait travaillé au Snac longtemps avant moi (Solange – elle était secrétaire avant Annie, que j’ai remplacée en 2005) a repris un jour contact avec nous, et avec Emmanuel nous sommes allés déjeuner avec elle. Elle nous a raconté diverses anecdotes et entre autres qu’elle recevait les déposants dans le petit hall d’entrée des locaux du premier étage du Snac. Tous les registres étaient écrits à la main. Une autre époque…
J’ai toujours connu la grande table de réunion, présente depuis les débuts du Snac certainement. Elle avait un côté majestueux, qui vous en imposait quand vous veniez pour un entretien, on ressentait du vécu, on se sentait bien dans cette salle, avec ses portes battantes capitonnées de cuir. Les locaux de la rue Taitbout étaient atypiques et avaient leur charme, ils étaient chaleureux. La grande salle de réunion a été repeinte, sinon l’endroit est demeuré tel que le Snac l’a trouvé (ou presque). Emmanuel a instauré la coutume d’afficher aux murs de la grande salle toutes les photos des personnes qui se sont succédé à la présidence du Snac. (D’ailleurs, il nous manque un portrait de Bessora !!)
Il y a quelques années, quelqu’un de la médecine du travail est passé pour effectuer un contrôle des locaux ; il a relevé que nous n’étions pas aux normes, nous a enjoint d’entreprendre des travaux, notamment pour l’accès aux toilettes, qui ne disposait pas d’un sas attenant avec les lavabos. Emmanuel lui a répondu que nous étions locataires ici depuis plus de soixante ans et que cela resterait tel quel.
Le square d’Orléans, où nous étions, a un côté magique, bien sûr du fait de son histoire et aussi grâce à George Sand et à Chopin. Des touristes, souvent japonais, sonnaient à l’interphone parce qu’ils étaient persuadés que Chopin avait habité là où étaient les locaux du Snac. Ils entraient et voulaient visiter l’appartement de « Chopine ».
B. A. – Quels ont été les changements induits par la Covid ?
Sy. S. – Dès avant la Covid, l’expansion du numérique, avec la communication par courriels, a multiplié les échanges. Le confinement a engendré le télétravail, les réunions en visio par Zoom, les conversations régulières par courriels. À l’occasion du relais entre Emmanuel et Maïa Bensimon, notre nouvelle déléguée générale, j’ai repris de nombreuses tâches anciennement assurées par Emmanuel, mes contacts avec les personnes se sont énormément développés. Mes responsabilités ont changé, je connais mieux les personnes, et en plus grand nombre.
B. A. – Comment s’est passé le déménagement ?
Sy. S. – Cela a représenté un gros travail, nous n’avons pas eu le temps de trier en amont, nous avons tout emmené. Ariane, Maïa et moi n’avons pas ménagé nos forces et nos efforts. Nous avons été bien occupées avant l’été. Dans les nouveaux locaux, nous avons installé deux armoires, où nous avons rangé toutes les archives (des registres dont le papier a bien jauni), nous ne désespérons pas de trouver un jour le temps de les inventorier car elles recèlent de nombreuses pépites, des photos, tous les bulletins d’adhésion depuis les premiers adhérents, leurs signatures, il y a tellement de belles personnes qui sont passées au Snac !
Le travail du Snac pour la défense du droit d’auteur est si conséquent…avec si peu de personnel ! La communication que développe Léa Farissi va contribuer à ce que notre syndicat soit mieux reconnu.
B. A. – Qu’est devenue la grande table de réunion ?
Sy. S. – Le Snac a donné sa grande table de réunion, accompagnée de ses beaux et confortables fauteuils à une association, une manufacture de porcelaine.Elle servira encore à de nouvelles personnes. Cette table aura eu une belle histoire qui va continuer.
B. A. – Les nouveaux locaux du Snac sont situés au 19 de la rue du Jour.
Sy. S. –Oui, depuis mi-juin, nous sommes donc dans le premier arrondissement. Nouveaux locaux, nouvelle déléguée générale. Pour moi, une manière de travailler différente avec plus de contacts avec les gens, de nouvelles « responsabilités ». Le Snac change et se renouvelle. C’est normal.
En ce qui concerne les locaux, ils sont certes beaucoup plus petits, mais plus modernes. Si la médecine du travail revient un jour, elle verra que nous sommes enfin aux normes !!
Nous avons la chance d’avoir une cour arborée qui est magnifique. Quand Maïa est en réunion en visio dans la salle, les personnes derrière leur écran s’interrogent sur son lieu de travail et quelques-unes sont peut-être envieuses de ce lieu si verdoyant.
Nous verrons dans les mois et années à venir si les personnes viennent toujours au Snac avec plaisir pour rencontrer des « vrais gens » qui sont toujours disponibles pour répondre à leurs questions.
J’espère en tout cas que ma collaboration avec Maïa sera aussi fructueuse et amicale qu’elle l’était avec Emmanuel.
Tiens, si on s’donnait rendez-vous dans un an !
Photo de Sylvie Saracino. Crédit : Sylvie Saracino.
Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 159, en octobre 2024