Le droit au financement de sa formation professionnelle par des dispositifs légaux est assez jeune pour les artistes auteurs. Comme d’habitude en matière de droits sociaux, nous sommes toujours les oublié.e.s. On finit toujours par nous accorder les mêmes droits sociaux que les autres travailleurs, mais après tout le monde. La formation professionnelle en est le meilleur exemple. On obtient souvent ces droits de haute lutte, et parce que des individus et/ ou des organisations professionnelles d’artistes auteurs se sont battus, souvent pendant des années, pour qu’on les ait. La création de la contribution « Formation professionnelle », que nous avons sur nos notes de droits d’auteur, qui se monte à 0,35 % brut hors taxes sur nos droits, date de dix ans seulement. En novembre 2023, l’Afdas(« Assurance Formation des Activités du Spectacle ») a organisé une grande célébration pour fêter ces dix ans. Durant cet événement, une table ronde a expliqué la genèse de ce droit. La formation des artistes auteurs est ma passion. Je suis membre de la commission « Cinéma et Audiovisuel » des artistes auteurs à l’Afdas depuis 2018, et je la préside depuis 2020. J’ai été membre de la commission « Formation des sociétaires Sacem » de 2017 à juin 2024. L’Upad (« Union professionnelle des auteurs de doublage ») n’existait pas encore quand des organisations professionnelles, dont le Snac avec Emmanuel de Rengervé en première ligne, ont commencé à se battre pour obtenir ce droit. J’ai été passionnée d’apprendre, durant la célébration de novembre 2023, comment cela s’était passé. Une fois la fête terminée, j’ai décidé d’en savoir plus. J’ai contacté et interrogé la majorité des interlocuteurs présents ce soir-là et effectué d’autres recherches. Vous pouvez lire le résultat sur le blog de l’Upad. Le CPF  (« Compte personnel de formation »), quant à lui, n’a été ouvert aux artistes-auteurs qu’avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C’est également très récent.

Laurence Salva

 

Bulletin des Auteurs– Les auteurs sont-ils suffisamment informés de leur droit au financement de leur formation professionnelle ?

Laurence Salva– Les auteurs ne savent pas qu’ils peuvent recourir à un financement d’une formation professionnelle. Ils se disent qu’ils n’ont pas le temps ou qu’il n’y a pas de formation qui leur correspond. Ils ne connaissent pas tous les choix qui leur sont ouverts. Il y a un manque d’information qui est vraiment regrettable.

B. A. – Quels sont les différents dispositifs légaux pour qu’un auteur puisse financer sa formation professionnelle ?

L. S. – De manière générale, il en existe deux : l’Afdas et le CPF, qui sont totalement autonomes et indépendants.

L’Afdas est l’« Opco » (OPérateur de COmpétences) des secteurs de la culture, des industries créatives, des médias, etc. Les membres du Snac dépendent de trois commissions de cette Opco : « Cinéma et Audiovisuel » ; « Musique et Chorégraphie » ; « Écrit et Arts dramatiques ». Quel est le circuit des cotisations de formation ? Nous payons depuis dix ans des contributions « Formation professionnelle » sur nos droits d’auteur, à hauteur de 0,35 %. Les diffuseurs cotisent à hauteur de 0,1 %. Ces contributions sont collectées par l’Urssaf, qui les transfère à « France compétences », qui distribue ces sommes d’argent à plusieurs opérateurs : une petite partie à la Caisse des Dépôts et Consignations afin de financer le CPF, une autre fléchée vers le CEP (Conseil en évolution professionnelle) et une dernière partie (la grosse majorité) à l’Afdas. Contrairement aux salariés pour lesquels les cotisations sont mutualisées, celles des artistes auteurs sont dès le départ mises à part, et elles contribuent à abonder le « Fonds deFormation des Artistes Auteurs » à l’Afdas. Ce fonds de formation dispose d’un budget d’un peu moins de dix millions d’euros. S’y ajoute la contribution volontaire des « OGC » (« Organisations en gestion collective »), lesquelles siègent au Conseil de gestion de ce Fonds. Le Fonds de Formation est hébergé à l’Afdas. Il est géré par le Conseil de Gestion, composé de représentants de diffuseurs (7 sièges), des « OGC » (5 sièges), et d’organisations professionnelles d’auteurs (21 sièges), tous nommés par le ministère de la Culture.

B. A. – Tous les auteurs sont-ils éligibles aux formations dispensées par l’Afdas ?

L. S. – Il existe un seuil, qui prend en compte soit les trois dernières années, hors année en cours, des droits d’auteurs cumulés d’un montant minimum de 6 990 euros (pour 2024), ce qui correspond à 600 fois le Smic horaire brut, soit les cinq dernières années, hors année en cours, des droits d’auteurs cumulés d’un montant minimum de 10 485 euros (pour 2024), ce qui correspond à 900 fois le Smic horaire brut.

Si vous êtes éligible, vous avez un droit à formation à hauteur de 5 600 euros par an(en 2024) dans la limite des budgets disponibles.

Entre 3 000 et 4 000 auteurs se forment chaque année avec l’Afdas. Pour demander une formation, il faut vous y prendre à l’avance, quatre semaines avant la réunion de la commission concernée. Si vousn’utilisez pas ces 5 600 euros en 2024, ou si vous n’avez utilisé cette somme qu’en partie, cette somme ou son reliquat ne peut se cumuler avec la somme à laquelle vous pourrez avoir droit pour vous former en 2025. Les sommes non utilisées vont abonder les recettes du Fonds de l’année suivante.

B. A. – Quelles sont les formations ouvertes aux auteurs à l’Afdas ?

L. S. – Ce sont forcément des formations utiles ou nécessaires à votre métier.Pour trouver une formation, soit vous choisissez une formation référencée dansle catalogue proposé sur le site de l’Afdas, qui présente des formations choisies et validées par les représentants des commissions. Ces formations ont remporté un appel d’offres, dans le cadre d’un marché public. Elles sont alors prises en charge à 100 %. Votre demande n’a pas besoin de passer en commission.

Soit vous cherchez vous-même une formation (via des moteurs de recherche ou auprès de collègues qui peuvent vous en recommander certaines, etc.). Dans ce cas-là, selon le type de la formation (cf voir plus loin), votre demande peut être acceptée directement par les services de l’Afdas ou avoir à passer devant une commission qui la validera ou qui la refusera.

Quels sont les types de formation ?

– les formations transversales (utiles à tous les auteurs quelle que soit leur activité) : La bureautique, la comptabilité, le juridique, la maîtrise de « Photoshop », etc. À de rares exceptions près, ces formations ne passent pas en commission et sont prises en charge à 100 %.

– les formations « métiers » (nécessaires à une activité d’auteur précise. (Exemple : Un auteur de doublage qui a besoin d’apprendre à utiliser un logiciel de doublage). Ces formations ne passent en commission que si la formation est nouvelle ou si l’organisme de formation est inconnu. Pareil pour les formations inter-catégories. (Exemple : Vous êtes auteur de doublage et vous voulez faire une formation touchant une autre activité d’auteur : l’écriture de chansons, ce qui pourrait aider à traduire les génériques d’un film ou d’une série.)

– les projets spécifiques : imaginons que pour un travail bien précis, vous ayez besoin d’acquérir des compétences dans une activité sortant du champ des auteurs (exemple : un graphiste qui demande une formation en œnologie pour dessiner des étiquettes de bouteilles de vin). Cette formation peut être financée mais la demande est obligatoirement examinée par une commission.

– les reconversions pures (vous voulez définitivement arrêter votre activité pour faire un métier complètement différent, la boulangerie par exemple), ou les activités complémentaires (vous voulez avoir une deuxième activité en parallèle de votre métier d’auteur parce que vous avez besoin d’un revenu complémentaire). Ces demandes-là passent automatiquement en commission et ces formations doivent être diplômantes et certifiantes, comme celles du CPF, sauf s’il n’existe pas de formation sur ce sujet inscrite au « RNCP ».

Il y a cinq commissions : Cinéma & Audiovisuel, Musique & Chorégraphie, Écrit & Art Dramatique, Arts plastiques et Graphiques 2D et 3D, et Photographie. (Les membres du Snac relèvent des trois premières).

Comment procéder ?

Vous présentez un dossier, avec un devis, des documents précis que vous donne l’organisme de formation, et une lettre de motivation, qui est très importante, où vous expliquez à la commission pourquoi vous avez besoin de cette formation.

Sachez que, si votre demande est validée, vous n’avez pas à avancer l’argent (sauf si vous avez un reste à charge). L’organisme de formation envoie directement sa facture à l’Afdas. Sous certaines conditions, et uniquement pour une formation « métier », vous pouvez aussi demander le remboursement de vos frais de transport et d’hébergement.

Les formations Afdas ont un plafond de tarif horaire. Ce plafond est de 40 euros pour les formations transversales, et de 60 euros pour les formations « métiers ». Si le tarif dépasse, le surplus est à votre charge.

B. A. – L’auteur peut aussi financer sa formation via son compte personnel de formation.

L. S. – Le CPF n’est pas géré par l’Afdas, mais par la Caisse des Dépôts et Consignations. C’est une voie totalement différente.

Imaginez que le CPF est une tirelire. Il faut justifier d’avoir cotisé au moins 1 euro l’année « n » au titre de la formation professionnelle pour valider la somme de 500 euros l’année « n + 1 » (Sachez que la première année, 2018, notre CPF n’a été abondé que de 360 €). Si une année je ne cotise pas, je ne perds pas mes droits déjà validés les années précédentes.

Depuis cette année, vous devez participer au financement de votre formation par une somme forfaitaire de cent euros.

La formation que vous demandez n’est pas forcément liée à votre métier, mais vous devez choisir parmi celles qui sont inscrites au « Répertoire national des certifications professionnelles » (RNCP) ou au RS (« Répertoire Spécifique »). Il y a peu de choix dans chaque activité, mais beaucoup d’activités proposées. Pour consulter les formations éligibles, vous avez un moteur de recherche attaché à un catalogue sur le site « moncompteformation.gouv.fr » qui gère votre CPF.

Vous pouvez également financer, via votre CPF, une « Validation des acquis de l’expérience » (VAE), ce qui peut être intéressant par exemple pour les auteurs qui n’ont pas de diplôme correspondant à leur métier et qui ont appris « sur le tas ».

Vous pouvez financer, toujours via votre CPF, un bilan de compétences, dans la perspective d’une reconversion.

Ainsi que les permis de conduire « B » et « C », et l’accompagnement à la création ou à la reprise d’une entreprise.

Sur votre compte CPF, que je vous engage à créer, vous avez donc accès à un catalogue de formations, vous déposez une demande, et l’on débite votre compte du coût de la formation. Si votre compte ne couvre pas son coût, vous paierez la différence de votre poche.

Si vous êtes éligible aux deux voies, à l’Afdas et au CPF, vous pouvez regarder lequel est le plus intéressant pour vous et faire un choix car ils ne sont pas cumulables.

Histoire d’être complet, sachez que la Sacem offre une troisième voie à ses sociétaires de la musique. Pour l’instant cette possibilité n’est pas ouverte à ses sociétaires en Doublage/ Sous-Titrage.

Dans nos métiers d’artistes auteurs, il ne faut pas hésiter à se former. Certains d’entre nous rencontrent un vrai problème de paupérisation. Certaines possibilités, comme la formation à une activité complémentaire, sont trop mal connues. On croit que parce que l’on travaille depuis longtemps, on n’a pas besoin de se former. Mais quand je discute avec des collègues et qu’ils me donnent cet argument, je leur demande toujours : « Mais tu n’as pas envie d’apprendre à créer un site internet dans lequel tu pourrais promouvoir ce que tu as fait dans ta carrière ? Tu n’as pas envie d’apprendre une autre langue étrangère pour te diversifier ? ». Et je ne parle même pas de tout ce qu’il va falloir apprendre avec l’arrivée de l’Intelligence Artificielle !

Alors surtout n’hésitez pas à questionner l’Afdas, où l’on vous répondra avec précision et compétence.

 

Photo de Laurence Salva – Crédit : Laurence Salva.

Cet entretien a été publié dans le « Bulletin des Auteurs » n° 159, en octobre 2024.

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