Historique sur les recommandations du Parlement européen à la Commission européenne à propos d’un cadre européen sur la situation sociale et professionnelle des artistes et des travailleurs du secteur de la culture et de la création.

Attention, cet article comprend des liens vers des documents en anglais qui n’ont pas reçu de traduction officielle, nous nous en excusons par avance.

Le Snac est membre de l’ECSA et de l’EWC.

ECSA est l’association européenne des auteurs de musique, qui rassemble 58 organisations nationales de 27 pays européens.

L’EWC est la fédération européenne des auteurs de livres, qui regroupe 49 organisations d’auteurs de 31 pays différents en Europe.

Le Snac (aux côtés de la SGDL et de la Scam également membres de l’EWC), en tant que membre de l’EWC et de l’ECSA, ayant suivi de près ce dossier depuis la création des premiers groupes de travail, en 2019, notamment du fait de la présence de sa déléguée générale, Maïa Bensimon, au conseil d’administration de l’EWC depuis juin 2021, souhaite, à l’occasion de la fin de la mandature actuelle de la Commission Européenne, retracer son historique.

La résolution du Parlement européen du 21 novembre 2023 est en effet l’aboutissement de cinq ans de travail, et inclut des recommandations à la Commission européenne à partir d’une concertation qui a débuté en 2019 avec les interlocuteurs européens des institutions et ce, notamment l’EWC, par la voix de son ancienne Présidente, aujourd’hui Présidente d’honneur, Nina George.

Ce travail de dialogue et de concertation a permis d’identifier les sujets d’importance pour les auteurs tout en distinguant les politiques sur lesquelles les compétences de l’Union européenne sont importantes (droit d’auteur, droit de la concurrence, intelligence artificielle) et ceux dont les compétences restent largement nationales (statut de l’artiste ou de l’auteur, droit social, droit fiscal, politique culturelle, etc.) malgré quelques compétences européennes d’appui ou de coordination. Cette distinction est essentielle pour avancer vers des progrès concrets au niveau européen plutôt que de voir des recommandations du Parlement européen sur des sujets nationaux (qui peuvent apparaître comme très positives) mais dont l’impact reste très limité. À ce titre, la réponse de la Commission au rapport du Parlement européen rappelle les limites inhérentes aux compétences de l’Union et montre clairement que de nombreuses recommandations (notamment sur un « statut européen » de l’artiste ou de l’auteur) ne sont suivies d’aucune initiative.

 Retour sur le calendrier de la mandature 2019-2024 :

2019 (entre mai et août) : l’EWC a participé à une étude européenne sur le secteur culturel et de la création en Europe. L’objectif était de poser les bases d’un plan de travail de la Commission Culture du Parlement (CULT). L’EWC a fourni un certain nombre d’informations concernant les auteurs et a pu prodiguer des conseils sur les améliorations nécessaires de la politique européenne en matière de droits des artistes, des auteurs et en particulier des écrivains.

2020 (janvier/février) : l’EWC a répondu à un questionnaire soumis par la Commission européenne sur les conditions de travail des artistes en Europe.

Cette étape a conduit à une étude menée par la parlementaire européenne Monica Semedo, intitulée « La situation des artistes et la reprise culturelle dans l’Union européenne » (laquelle a servi de fondement à la résolution du parlement européen prise en novembre 2023).

Voir : https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/IPOL_STU(2021)652250

En raison de la Covid-19, les fédérations d’auteurs ensemble ont publié un appel collectif pour soutenir les auteurs en proie à la crise sanitaire, lequel inclut des demandes relatives aux droits sociaux des auteurs :

https://europeanwriterscouncil.eu/authors-organisations-joint-statement-impactcovid19-on-authors-2/

2020 et 2021 : l’ECSA et l’EWC (avec les autres fédérations d’auteurs) ont mené un travail de fond sur ladite étude « La situation des artistes et la reprise culturelle dans l’Union européenne », en lien avec la parlementaire européenne, Monica Semedo. Cette étude a abouti en septembre 2021 avec un vote du Comité Culture et, en octobre 2021, à un vote du Parlement.

Voici ici :

La position des fédérations d’auteurs au niveau européen :

https://composeralliance.org/media/73-europeanparliamentsreportonthesituationofartistsandtheculturalre.pdf

Le rapport des experts européens :

https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?reference=2020/2261(INI)&l=en

Le vote du Parlement sur « la situation des artistes et la reprise culturelle dans l’UE » :

https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20210923IPR13402/meps-call-for-common-minimum-social-standards-for-artists-and-cultural-workers

En voici le résumé :

« Le Parlement européen a adopté par 543 voix pour, 50 contre et 107 abstentions, une résolution sur la situation des artistes et la reprise culturelle dans l’UE.

Les députés ont rappelé que la culture, l’art, le patrimoine culturel et la diversité culturelle étaient d’une grande valeur pour la société européenne et qu’ils devraient être encouragés et soutenus. Les secteurs et industries de la culture et de la création (SICC) contribuent de manière substantielle à l’identité européenne commune.

Les mesures de confinement prises en réponse à la pandémie de COVID-19 ont gravement nui au fragile écosystème culturel et créatif. Les SICC ont subi des pertes de chiffre d’affaires de plus de 30 % en 2020 – soit une perte cumulée de 199 milliards EUR –, et les secteurs de la musique et des arts du spectacle ont subi des pertes respectives de 75 % et 90 %.

 Sont traitées dans ce texte européen :

« Reconnaissance de la culture et soutien au secteur culturel

Encourager la mobilité transfrontière

Revenus de droits d’auteur et plateformes de streaming

Statut européen de l’artiste

Liberté artistique »

https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1679971&t=e&l=fr

Toujours en 2021, la Commission européenne a également pris position pour soutenir les négociations collectives dans le secteur culturel, sans que celles-ci ne soient fragilisées par le droit de la concurrence. Les recommandations ont été saluées par les fédérations européennes d’auteurs, dont l’ECSA : https://composeralliance.org/media/418-ecsa-fera-fse-press-release-on-eu-comp-guidelines.pdf

2022 : l’année 2022 a surtout consisté à opérer une surveillance du sujet en attente de la suite à donner à la résolution de 2021.

2023 (avril) : lancement du groupe de travail à l’EWC (Nina George, présidente d’honneur de l’EWC et Maïa Bensimon, vice-présidente et déléguée générale du Snac) sur le projet de résolution du Parlement européen 2023 à partir des travaux engagés depuis 2019 (études, questionnaires et résolution de 2021). L’EWC a notamment participé au dialogue entre acteurs du secteur, pour échanger avec les parlementaires européens en vue d’aboutir à un texte européen (pour que le Parlement européen prenne une résolution et propose des recommandations à la Commission européenne « sur la situation sociale et professionnelle des artistes et travailleurs du secteur culturel » – 2023/2051(INL).

Voir : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0405_EN.html

2023 (avril-mai) : EWC a contribué à un questionnaire en lien avec le sujet et la proposition de résolution 2023/2051.

2023 (juin) : EWC a adressé plusieurs amendements au projet de résolution aux co-rapporteurs, en pièce jointe d’une recommandation sur les mesures à prendre pour les auteurs. Un certain nombre de points présentés par l’EWC ont été retenus dans les 515 amendements rédigés par les membres du Parlement européen.

2023 (septembre) : L’EWC a rédigé ensuite une nouvelle proposition à partir des 515 amendements produits par le Parlement, avant que le texte final ne soit soumis au vote des Comités joints (Culture et l’Education et Emploi et Affaires Sociales) le 24 octobre 2023.

2023 (novembre) : le Parlement a voté sur la résolution 2023/2051 et les experts mandatés par les États membres ont publié leurs recommandations : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/01fafa79-1a13-11ee-806b-01aa75ed71a1/language-en

 

Sur le fond : qu’ont obtenu l’ECSA, l’EWC et les autres fédérations d’auteurs via la proposition du Parlement européen de novembre 2023 ?

Le texte du Parlement Européen est l’aboutissement d’auditions, de débats, d’entretiens avec des interlocuteurs européens très variés parmi les parlementaires européens. Les fédérations européennes ont pris soin d’avoir relu attentivement les 575 amendements concernant ce texte, pour s’assurer que certaines mesures pouvaient concerner les auteurs, et non seulement les artistes-interprètes et les travailleurs indépendants du secteur culturel (les techniciens notamment œuvrant au service de la culture).

La résolution européenne contient par ailleurs des propositions intéressantes pour soutenir les artistes-auteurs dans leurs activités.

Les organisations d’auteurs en France membres des fédérations européennes (le Snac, la SGDL et la Scam) défendent, depuis l’origine du projet en 2019, les recommandations suivantes du Parlement européen :

  • Encourager une vision commune en Europe ;
  • Donner le plein accès aux droits acquis selon les législations ;
  • Mettre en place de rémunérations équitables, en lien avec des pratiques vertueuses de paiement (« invite la Commission à soutenir les Etats membres afin qu’ils garantissent une rémunération suffisante, équitable, adaptée et proportionnée») ;
  • Lutter contre les pratiques « abusives et coercitives»dont la pratique des forfaits (buy-out) ;
  • Respecter l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ;
  • Reconnaître les maladies professionnelles en lien avec les activités spécifiques des secteurs de la culture et de la création, les compensations auxquelles elles donnent droit et les mesures de prévention nécessaires ;
  • Diversifier les sources de soutien en faveur des secteurs de la culture et de la création, ne pas réduire les fonds existants et augmenter leur dotation ;
  • Renforcer le dialogue social au niveau européen et garantir l’application effective du droit à la négociation collective dans les États membres (voir, à cet égard, les lignes directrices de la Commission européenne sur le droit de la concurrence et les conventions collectives : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_5796)  ;
  • Développer l’enseignement et les possibilités de formation et d’évolutions de carrières ;
  • Assurer une égalité des genres et prendre des mesures pour lutter contre le harcèlement et la discrimination au travail dans les secteurs de la culture et de la création ;
  • Garantir la liberté artistique ;
  • S’assurer que le secteur relève le défi du numérique, en ce compris le défi de l’intelligence artificielle, notamment en s’assurant que la Commission « adopte des mesures pour garantir la transparence et l’obligation de rendre des comptes des systèmes et algorithmes d’intelligence artificielle, de sorte à éviter les biais et discriminations indésirables dans les secteurs de la culture et de la création, ainsi que (…) pour garantir un droit à une rémunération équitable adaptée et proportionnée».

Concrètement, en France, le Snac se bat pour les mesures phares suivantes, tous secteurs confondus, pour une amélioration au quotidien de la vie des auteurs, ce que le Snac ne manque pas de faire remonter aux fédérations européennes dont il est membre (ECSA et EWC) :

  • Une revalorisation de la création = une meilleure rémunération pour l’auteur ;
  • La fin de l’amortissement = une prime de cession des droits pour l’auteur ;
  • Une lutte contre l’accaparement des droits = pas de cession de droits « en trop » pour le diffuseur ;
  • Un accès garanti à tous les droits sociaux acquis ;
  • De nouveaux droits sociaux tels que la maladie professionnelle ou l’accident en lien avec une création ;
  • Une négociation collective = la défense des droits des auteurs par le syndicat ;
  • La liberté d’expression et la liberté artistique ;
  • La lutte contre toute sorte de discrimination et de harcèlement ;
  • Le respect des droits dans le cadre de l’intelligence artificielle = autorisation, rémunération et transparence.

Nous appelons donc les services concernés du ministère de la Culture à être vigilants quant à la suite à donner aux initiatives de la future Commission européenne sur le sujet, la présente mandature ayant annoncé un cycle de concertation, avec tables rondes et débats, sur ces questions essentielles pour les auteurs. L’EWC ne manquera pas de se joindre aux travaux qui reprendront très certainement après l’été.

 

Photo portrait de Maïa Bensimon, déléguée générale du Snac. Crédit : Nathalie Orloff.

Cet article est paru dans le « Bulletin des Auteurs » n° 157, en avril 2024.

 

 

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