« Productions dégradées sur toutes les chaînes, ça suffit ! La baisse des volumes de production élaborée est frappante sur toutes les antennes de Radio France. Les émissions qui demandent du temps d’enregistrement, de montage et mixage ou encore des prises de son live, sont progressivement supprimées… », ainsi débutait l’appel du Collectif de défense de la création radiophonique à l’assemblée générale du 18 décembre dernier.
Le Collectif, qui avait manifesté cet été l’inquiétude de voir l’antenne amputée d’une heure de documentaire de création (ce qui représentait la moitié du temps consacré à la création), a vu ses craintes se confirmer. La grille de rentrée, en septembre, n’en offrait plus qu’une heure. Le Collectif, constitué d’auteurs-producteurs, de réalisateurs et d’ingénieurs du son de Radio France, soutenu par les syndicats, déplore la disparition progressive des documentaires de la chaîne de France Culture : depuis dix ans, on a assisté à une réduction de 31,4 % de la production documentaire. La fiction, sur l’ensemble des programmes de Radio France, est elle aussi touchée.
Le collectif a demandé, pour défendre son point de vue, un rendez-vous avec Sandrine Treiner, directrice de France Culture, et avec Sybile Veil, PDG de Radio France.
En octobre, Sandrine Treiner a reçu les personnels de France Culture, et au cours des entretiens et réunions qui ont eu lieu, a pensé répondre aux inquiétudes des personnels en insistant sur l’instauration de podcasts natifs, diffusés directement sur le web : ces formes nouvelles, ouvertes à la création radiophonique — nommées L’expérience — allaient remplacer avantageusement l’heure d’antenne disparue, qu’il n’est pas envisagé de rétablir. Elle a affirmé que ces podcasts natifs seraient ensuite rediffusés dans la grille d’été. Si les membres du collectif sont tout à fait ouverts à cette nouvelle forme d’outil pour la création qui s’ajouterait à la grille des programmes, ils sont opposés à ce que ces podcasts soient proposés en remplacement des diffusions hertziennes à l’antenne.
La demande de rendez-vous avec Sybile Veil étant restée sans réponse, une délégation du Collectif s’est invitée au Comité central d’entreprise du 18 décembre dernier, que présidait la PDG. Accompagnés des syndicats FO, Sud, CGT, Unsa, CFDT, les personnels de France Culture ont à nouveau exposé leur désaccord de voir l’antenne dépossédée d’une heure de radio de création, et, de manière plus profonde, de voir la raison d’être de la chaîne amputée de son rôle de passeur d’art et de création. Les arguments du Collectif et des syndicats ont buté sur une interprétation différente de la ligne générale de Radio France exprimée par Madame Sybile Veil, pour qui il est indispensable de réaliser un équilibre entre le succès d’audience, le maintien de la création, et les contraintes budgétaires imposées ; le podcast natif serait pour elle — rapportent les membres du collectif — une bonne solution d’innovation. On ne voit pas en quoi la progressive disparition des documentaires permet de sauvegarder l’équilibre en question. De plus le projet — non avoué selon eux — risque, à terme, de mener à la liquidation de la diffusion hertzienne au profit du web, et ils ajoutent que, dans ce cas, le podcast natif s’avérerait un « cheval de Troie ». C’est pourquoi ils ont insisté à nouveau sur le fait qu’ils ne s’opposent pas au podcast, que ce dernier peut tout à fait coexister avec l’hertzien, à condition de ne pas le remplacer. Jusqu’à aujourd’hui, les antennes sont toujours nettement plus écoutées que les podcasts, a fortiori natifs, et ils aimeraient que la direction le reconnaisse.
Tout au moins, racontent les membres de la délégation, ce Comité central d’entreprise aura-t-il été utile à Madame Sibyle Veil qui a dit découvrir que la réduction des productions de documentaires paupérisait un grand nombre d’auteurs-producteurs : en effet elle ne semblait pas s’être rendu compte que non seulement leur nombre réduit offrait moins de possibilités de travail, mais que la rémunération en droits d’auteurs des podcasts est considérablement inférieure à celle de la diffusion d’antenne.
En attendant les réponses à ces questions, une possibilité de grève se profile.
À suivre.